Deux événements récents, sans lien entre eux, m’ont à nouveau démontré combien notre pays, berceau des libertés, semble avoir développé une allergie, ou tout du moins une incompréhension, à leur égard, ce qui ne laisse de me navrer. À deux reprises, l’invocation d’une liberté, par son exercice dans un cas, par sa simple mention dans l’autre, ont provoqué une levée de bouclier là où il n’y aurait dû y avoir que des acclamations, ou une indifférence polie à tout le moins. Cette indignation a conduit les principaux intéressés à plier plutôt qu’à se dresser sur la barricade le drapeau bleu blanc rouge à la main et le téton à l’air. Cette tâche m’incombe donc, hormis le téton, car il fait trop froid, mais le cœur y est.
Et comme toujours en droit, deux torts ne s’annulent pas, ils s’additionnent.
La France n’a pas échoué à intégrer les populations qu’elle a fait venir d’Afrique ces cinquante dernières années. Elle n’a même pas essayé. C’est cela que la couleur des prévenus nous rappelle à chaque audience. C’est que pas un seul d’entre eux, bien que né en France, n’a pensé une seule seconde qu’il avait une chance de devenir lui aussi médecin, avocat, juge, journaliste au Figaro ou avocat général.
La honte est sur nous et pas sur eux.
Eolas, le retour. Round II: tous vos widgets nous appartiennent !
Je trouve honteux d’entendre des artistes qui il y a quelques semaines vouaient aux gémonies les téléchargeurs et approuvaient toute législation répressive et faisant bon cas de droits constitutionnels pour sanctionner le téléchargement illégal de leurs œuvres crier au scandale quand c’est à un des leurs qu’on entend appliquer la loi dans toute sa rigueur. Quand on sait que pas mal de téléchargeurs ont dans les treize ans, on en tire l’impression que les mineurs ne sont bons à leurs yeux qu’à cracher leur argent de poche et leur servir d’objet sexuel.
Que cela vous fasse comprendre que si les juristes, avocats et magistrats en tête, crient qu’il faut arrêter cette machine folle, ce n’est pas par flemme de se tenir à jour. On en est arrivé au point où le législateur ne sait pas ce qu’il vote. Ça vous suffit comme alerte ?
Une dénégation ultérieure n’est pas une preuve de l’inexactitude mais un simple refus de s’incriminer soi-même, ce qui est un droit de l’homme ardemment défendu par la Cour européenne des droits de l’homme, et parfois un simple cri d’innocence. C’est aux autorités d’apporter la preuve de la culpabilité, et non de faire parler le suspect pour lui dénier le droit de se rétracter ensuite.
Comment ? Mes propositions ne visent que les artistes et les ayant droits ? Ah, vous avez remarqué ? C'est juste que je suis de la vieille école, celle qui croit qu'une industrie, pour prospérer, doit s'adapter à ce que veulent ses clients et non les traiter en ennemis. L'industrie culturelle est la première responsable de son malheur. Elle a vécu 50 ans d'âge d'or et voudrait que ça dure éternellement, quitte à voter une loi qui arrête le temps.
Les épithètes “ littéraire et artistique ” ou “ intellectuelle ” changent le sens du mot propriété. Ce qui exclut que l'atteinte à la propriété littéraire et artistique soit un vol. Une œuvre de l'esprit est par nature immatérielle. De ce fait, elle ne peut être volée à son auteur, même si on lui dérobe le support sur lequel cette œuvre est matérialisée (qui constitue bien un vol, mais du support, pas de l'œuvre).
Notez bien ceci pour le moment : le droit d'auteur est né pour protéger les auteurs des éditeurs. Ça aura son importance.
Le combat des ayant-droits aujourd'hui présente une grande nouveauté : il oppose les ayant-droits à leur public, qui ne s'enrichit pas sur leur dos. Les musiciens insultent ceux qui apprécient leur musique en les traitant de voleurs, les réalisateurs font de même avec ceux qui apprécient leur film en les traitant de dealers.
Ensuite, le piratage n'est pas un “vol caractérisé”, expression qui ne veut rien dire. Un vol non caractérisé, ça s'appelle une relaxe, et un vol est l'appropriation frauduleuse de la chose d'autrui. Or il n'y a aucune dépossession en cas de copie illégale d'un film, ce qui exclut tout vol (il en va différemment si on vole la copie d'un film dans un supermarché sans la payer, par exemple, mais c'est le support, non l'œuvre, qui est volé, à son propriétaire, le supermarché, l'auteur ne subissant aucun préjudice).